Un simple trésor
Les boîtes à lire, où les particuliers apportent et se procurent des livres, fleurissent dans nos quartiers et nos campagnes. Parfois, il s'y trouve de véritables trésors...
En voilà une belle invention. Partout dans nos quartiers et nos campagnes fleurissent les boîtes à lire où des particuliers apportent des livres et peuvent s’en procurer. Cette initiative, en plein essor, contraste avec la misère de l’époque, ses replis égoïstes, sa perversion politique, le saccage diabolique des libertés et de la vie quotidienne, la peur de la maladie et de la mort qui hante les esprits. Le geste d’offrir des livres à la lecture de passants inconnus a un côté résistant. Il brille comme une petite lumière dans les ténèbres de la crétinisation ambiante, des mensonges et des manipulations en tout genre. Il offre à la curiosité intellectuelle une sorte de refuge. Parfois, au hasard des fouilles, il s’y trouve de véritables trésors. J’y ai déniché ce matin toute la collection oubliée de nos manuels de littérature de jadis, les Lagarde et Michard. Vous souvenez-vous ? Nostalgie, nostalgie. Du Moyen-Age au XXème siècle, il s’y trouve une anthologie commentée des plus belles œuvres de la langue et de la pensée française. Au collège et au lycée, nous ne connaissions pas notre bonheur. Quel plaisir de retrouver de si beaux morceaux de prose et de poésie qui ont si profondément marqué nos âges tendres !
Mais par le plus grand des paradoxes, en feuilletant ces pages splendides, si intelligemment expliquées et si bien illustrées, en apparence sages et innocentes, on prend conscience de leur caractère explosif, presque subversif. Contre la médiocrité envahissante de l’époque, il n’est pas d’arme plus subtile que la beauté de ces quelques pages. Pourquoi croyez-vous qu’ils ont supprimé Lagarde et Michard des programmes ? « Mon métier est de leur enseigner la France, la pensée française, c’est-à-dire une chose aussi solide que les Alpes ou les Pyrénées, qu’il ne dépend de rien ni de personne que la France soit autre chose que ce qu’elle est, qu’on ne peut heureusement pas changer son histoire, et que Montaigne, Voltaire, Michelet, Hugo, Renan, la gardent » écrivait déjà Jean Guéhenno (Journal des années noires 1940-1944, Gallimard 1947).
Article à retrouver sur le blog de M. Tandonnet : https://maximetandonnet.wordpress.com/page/2/